Un plan de santé environnementale inédit en France
Bernard Jomier adjoint à la Maire de Paris chargé de la santé, du handicap et des relations avec l’AP-HP, soumet au prochain Conseil de Paris le plan « Paris Santé Environnement ». 3 questions pour en savoir plus sur cette initiative inédite en France.
A la veille de la COP 21, que souhaitez-vous apporter avec ce plan de santé environnementale ?
Bernard Jomier : « Paris Santé Environnement » démontre notre engagement à améliorer concrètement l’environnement de vie des Parisiennes et des Parisiens. Avec Parismed qui va renforcer l’offre de soins à Paris, les états généraux des PMI et de la naissance et en 2016 les assises de la santé, c’est l’un des 4 chantiers majeurs de la feuille de route sur lequel je travaille depuis le début de la mandature.
Il s’agit d’un plan d’actions inédit pour une collectivité française car il articule amélioration de la santé environnementale et réduction des inégalités de santé à caractère environnemental. C’est un sujet majeur comme l’a montré récemment l’étude Equit’Area : à nuisances égales, effets différents selon le niveau de revenu ou d’instruction car les capacités des ménages à compenser ou éviter les impacts défavorables à la santé sont inégales.
L’OMS a évalué que 80% de notre état de santé dépend de notre environnement de vie. Cela dit clairement l’importance de mobiliser toutes les politiques qui peuvent l’influencer positivement. Vu l’ensemble des sujets qu’elles traitent, les villes sont des acteurs de premier plan pour améliorer un grand nombre de déterminants de la santé liés au cadre de vie et aux services de proximité.
Vous le savez, Paris a un tissu urbain et démographique très dense, qui expose les Parisiennes et les Parisiens à de fortes pollutions. Le plan que je présenterai au prochain Conseil de Paris vise à mieux comprendre comment des facteurs de risques liés à la vie à Paris affectent notre santé et notamment celle des plus fragiles.
8 sujets prioritaires ont été retenus par un groupe d’experts : la qualité de l’air extérieur et de l’environnement intérieur, l’exposition aux substances chimiques aux effets cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques et perturbateurs endocriniens ; le bruit ; les impacts du changement climatique sur la santé ; l’amiante ; le plomb et la pollution des sols. Ils sont responsables de pathologies majeures (cancers, maladies cardio-vasculaires, pathologies respiratoires, allergies et asthme, troubles du développement, troubles neurologiques…). Sur tous ces sujets il est important de disposer de données pour agir en amont, apporter des facteurs de corrections et réduire les inégalités de santé constatées en mobilisant tous les acteurs concernés sur des objectifs d’amélioration communs et définis ensemble.
Ce plan pose finalement un cadre politique nécessaire en affirmant les grandes orientations de la politique de santé environnementale parisienne et en proposant une série d’actions-leviers pour agir concrètement par toutes nos politiques à court, moyen et long terme sur la santé des Parisiennes et des Parisiens. Il dit clairement que la santé doit être un déterminant de l’action publique et non une variable d’ajustement.
Justement, que trouve-t-on précisément dans « Paris Santé Environnement » ?
BJ: J’ai voulu un plan lisible, aisé à mettre en œuvre et à évaluer et donc mobilisateur. Il s’organise autour d’un petit nombre d’actions levier, 15 au total, qui ont un impact réel sur la santé des Parisiennes et des Parisiens. Leur déploiement vise deux objectifs : faire baisser les expositions subies par la population et réduire des inégalités de santé. L’enjeu c’est de faire de la capitale une « ville-santé » c’est-à-dire une ville qui intègre des objectifs de santé publique dans son fonctionnement et dans ses projets urbains.
Ce plan propose des outils pour faciliter la mise en œuvre d’un urbanisme favorable à la santé et réaliser des évaluations d’impacts santé (EIS) sur des grands projets urbains de la mandature. Pour réaliser une «ville-santé», il faut de prime abord mieux comprendre les enjeux de santé environnementale. Pour cela nous allons renforcer les collaborations entre chercheurs et collectivité sur les risques environnementaux et leurs impacts santé à Paris pour disposer de données opérationnelles et à bonne échelle et aussi intégrer le vécu des habitants par des diagnostics locaux partagés. Intégrer acquis de la recherche et bonnes pratiques dans les choix de politiques publiques c’est capital pour les améliorer au service de la santé des habitants.
Nous le savons, certaines populations sont plus à risques que d’autres et ce plan en tiendra compte. Une action dédiée porte ainsi sur la prévention et le suivi des affections respiratoires chez l’enfant, particulièrement touchés par les questions de qualité de l’air. Il est également impératif de développer une culture de la santé environnementale dès l’enfance en mobilisant le périscolaire.
Une grande initiative de ce plan consiste à créer un pôle de santé environnementale sur un lieu unique pour soutenir les initiatives citoyennes, associatives et économiques, notamment les startups de la santé environnementale, renforçant ainsi le lien avec l’expertise des services parisiens et les chercheurs.
Nous renforçons également le service aux parisiens puisque nous allons développer la capacité de nos services à réaliser des diagnostics d’environnement intérieur au domicile.
Une « ville-santé » se doit d’être une ville exemplaire dans la gestion de ses établissements recevant du public, de la commande publique et de la restauration collective pour éliminer de l’environnement de vie les produits cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques et les perturbateurs endocriniens. Nous sommes enfin déterminés à progresser encore dans la protection de la santé des personnels de la ville, notamment les professions exposées.
Comment construit-on un plan d’une telle envergure ?
BJ : Nous avons fait le choix de construire le plan avec un ensemble élargi de parties prenantes – experts, des partenaires institutionnels, des associations – qui ont été réunis en groupe de travail pendant plusieurs mois et présenté leurs travaux au fur et à mesure à un comité de pilotage. Les orientations retenues, les actions leviers ont été co-définies dans la perspective de produire un plan facilement appropriable et permettant une mobilisation active dans la durée de tous ceux et celles qui peuvent agir car la santé environnementale est l’affaire de tous, elle est la santé par le cadre de vie.
« Paris Santé Environnement » est un plan vivant et dynamique. Les leviers identifiés aujourd’hui pourront évoluer au fur et à mesure de son déploiement et la concertation très mobilisée pour élaborer le plan va rester au cœur de l’animation de la démarche. Nous envisageons une mise en œuvre progressive sur quatre années comprenant chaque année un temps fort sous la forme d’une Conférence annuelle de santé environnementale. Ce moment permettra rendre compte de l’avancement de la démarche, de proposer des inflexions ou le lancement de nouvelles actions. Un rapport « état des lieux » sera produit tous les deux ans qui sera accessible en Open data.
Dans ce champ encore peu structuré, l’objectif de ces rencontres annuelles sera aussi de favoriser les synergies et les dynamiques de réseau. La Ville soutiendra également la coordination d’initiatives des acteurs de la santé environnementale comme, par exemple, sur des campagnes de sensibilisation et de prévention communes.
Le plan a bien entendu été conçu en articulation avec les politiques nationales et régionales, et s’adosse aux plans complémentaires de la Ville qui intègrent pleinement une visée de santé publique (plan anti-pollution ; plan vélo et plan piéton, carnet d’adaptation aux changements climatiques du Plan climat énergie, plan biodiversité, démarches de la Ville-intelligente, plan alimentation durable, plan 1000 immeubles, plan de prévention du bruit dans l’environnement.
Par ailleurs, considérant que les inégalités de santé relèvent à la fois de différentiels d’exposition à des nuisances et polluants mais aussi d’accès inégaux à des compensations et des aménités et services favorables à la santé, le plan s’appuie sur un ensemble de démarches de sensibilisation. Ensemble, institutions, associations ou encore acteurs économiques innovants, pourront développer des actions au plus près du vécu et du ressenti des habitants et élaborés avec eux, par exemple des actions de lutte contre le bruit, de végétalisation et de soutien à la biodiversité ou de nature à briser l’isolement et renforcer le lien local. C’est aussi en valorisant la capacité d’action de tous sur leur environnement de vie, en suscitant la coopération à l’échelle du quartier vécu et en amenant des savoirs appropriables et bonnes pratiques que l’on améliorera la santé environnementale à Paris.