Logement: sécurisons les locataires
Avec l’interdiction de la vente à la découpe, «les écologistes proposent de limiter la possibilité pour un propriétaire de donner congé aux locataires». «Comme en Allemagne, les propriétaires seraient alors contraints de vendre leur logement encore occupé», expliquent les élus EELV Karima Delli (députée européenne),René Dutrey (conseiller de Paris), Bernard Jomier (conseiller du XIXearrondissement) et Joël Labbé, sénateur.
Le groupe écologiste du Sénat a déposé jeudi 22 mars une proposition de loi visant à interdire les ventes à la découpe.
La crise du logement continue de sévir, entraînant exclusion et drames humains. Le logement est devenu un simple produit sur le marché des grandes villes de France, qui se sont transformées en vaste Monopoly. Des spéculateurs de tout poil jouent sur sa valeur, au prix de l’exclusion d’une partie de plus en plus importante de la population.
Depuis la fin des années 1990, les locataires d’immeubles appartenant aux fameux «zinzins» (investisseurs institutionnels tels que sociétés d’assurances, banques, mutuelles ou sociétés foncières) subissent de plein fouet les cessions massives de ces biens, appartement par appartement, considérés alors comme de simples actifs financiers. Par une vente à la découpe, le propriétaire d’un immeuble peut en effet vendre en plusieurs lots son bien pour réaliser de juteuses plus-values. Les familles de locataires, si elles se révèlent incapables de racheter leur propre logement, se retrouvent ainsi évincées d’un habitat occupé parfois depuis des dizaines d’années.
Cette vague de déstockage affecte toutes les grandes villes de France: en 2008, la vente de logements occupés représente plus de 15% des transactions à Toulouse, Bordeaux et Strasbourg, tandis que 56 000 logements ont été touchés à Paris entre 1995 et 2004. Et les scandales se succèdent: de l’opération de cession de l’avenue de la République à Marseille, où 1 250 logements sont rachetés puis découpés par le fonds d’investissement Lone Star, à la vente d’un ensemble d’immeubles pour 42 000 m² dans le quartier de la Presqu’île à Lyon par le groupe américain Cargill. Aujourd’hui, à Paris, le groupe Gecina se sépare en bloc de 1 200 logements dans les Xe, XIIe, XIIIe, XIVe, XVe et XIXearrondissements de Paris. Cette opération concerne à elle seule plus de 3 000 personnes.
En France, les ventes à la découpe ont donc déjà entraîné l’expulsion de leur logement de plusieurs dizaines de milliers de locataires.
Face à ces dérives, l’action publique est bien souvent vaine: d’une part l’outil municipal de préemption, qui permet l’achat par la collectivité des logements menacés, se révèle insuffisant au regard des montants des ventes mises en jeu; et d’autre part, les multiples évolutions législatives et réglementaires ont érigé un dispositif de protection du locataire qui reste inefficace pour garantir le maintien sur place ou le relogement des ménages à un niveau de loyer comparable.
Dès lors, les écologistes proposent de limiter la possibilité pour un propriétaire de donner congé au locataire. Seuls motifs autorisés: reprise du logement par le propriétaire pour y habiter, ou pour le céder à ses descendants ou ascendants. En revanche, le congé du locataire pour vente, uniquement fondé par la perspective du profit, serait supprimé. Comme dans beaucoup de pays européens, dont l’Allemagne, les propriétaires seraient alors contraints de vendre leur logement encore occupé. Les locataires seraient beaucoup mieux sécurisés dans leur bail. Mais surtout, l’effet inflationniste du congé vente, du fait du changement de locataire, et donc, de l’augmentation du loyer, s’en trouverait strictement limité.
Après avoir proposé la loi pour l’encadrement des loyers dans les centres villes, les écologistes ont déposé cette loi au Sénat visant à interdire les ventes à la découpe. Nous souhaitons, par une série de propositions concrètes, donner à la gauche les outils pour apporter une solution durable au problème du logement dans notre pays. Les échéances électorales à venir permettront peut-être une alternance à l’Assemblée nationale. Les écologistes continueront de se battre pour rappeler que le logement n’est pas une marchandise. Il représente un bien essentiel à chacun pour pouvoir construire sa vie. Et à ce titre il doit être extrait de la simple logique de marché.