Au-delà de l’Hôtel-Dieu, réformer l’accès aux soins à Paris
L’affaire des urgences de l’Hôtel-Dieu révèle 3 problématiques du système de santé à Paris: celle des urgences, celle de l’hôpital et de celle des soins de proximité.
C’est ce mélange explosif qui a provoqué la cristallisation du débat autour de l’Hôtel-Dieu.L’échéance municipale a complété la crise en compliquant la problématique sanitaire de facteurs purement politiciens.
Les urgences. La situation aux urgences des hôpitaux de l’AP-HP est mauvaise. Les délais d’attente s’allongent; le transfert des patients dans les lits d’hospitalisation devient plus chronophage que leur prise en charge médicale. A ce phénomène qui s’étend d’année en année, les seules réponses esquissées restent dans le giron de l’hôpital: plus de moyens pour les urgences. Les réponses en amont -essentielles quand on sait que plus de 80% des patients se présentant aux urgences n’ont pas besoin d’un plateau technique spécialisé mais seulement de voir un médecin- ont été délaissées. Les maisons médicales de garde ne sont que 6 à Paris, ne bénéficient d’aucun soutien de la Ville ni de lien avec les hôpitaux; seul le 15 sait les solliciter! Les expériences de cabinets médicaux assurant une permanence le soir comme dans le 18e restent isolées. La Ville de Paris n’a pas assumé ses responsabilités en matière d’accès des Parisiens à des soins d’urgence de proximité et de qualité. Elle a laissé l’AP-HP seule face à une situation qui la dépasse. C’est pourtant bien en ville, dans les quartiers que doit s’organiser la réponse aux demandes de soins non programmées en même temps que des campagnes d’information doivent être entreprises sur le recours aux maisons médicales de garde et le bon usage des urgences hospitalières. Quant à l’aval des urgences, comme l’a souligné le rapport présenté récemment par le Pr Carli, sa fluidité est compromise par les modes de rémunération exclusivement fondés sur la T2A qui incite les chefs de service à sélectionner leurs admissions.
L’hôpital. Si la fonction asilaire historique de l’hôpital – lieu d’accueil et de refuge – doit être maintenue, la mutation profonde de sa place dans l’offre de santé demeure largement inachevée. Le concept d’Hôpital- Entreprise vanté par l’UMP et mis en œuvre par la loi HPST votée sous l’ancienne majorité n’a pas répondu à l’enjeu réel qu’est l’adaptation de l’hôpital aux besoins de santé. Or il faut dire que l’hôpital n’a pas vocation à répondre à l’ensemble des besoins de santé. Il n’est pas adapté à la réponse aux besoins de soins de premier recours et de proximité.
L’AP-HP, avec son projet de consultodrome 24/24 sur le site de l’Hôtel-Dieu, s’égare dans une forme de désorganisation du système de santé auquel les citoyens-patients ne comprennent plus rien. Répondre aux besoins de santé d’une population, ce n’est pas non plus encourager le consumérisme médical de tout à toute heure.
C’est bien l’articulation des différents acteurs de la santé et leurs rôles respectifs qui sont en jeu. A se substituer les uns aux autres, plus personne ne sait comment s’orienter dans le système de santé. L’offre de santé à Paris est devenue comme une maison à 3 étages où l’on pourrait entrer aussi bien par la porte du RDC que par la fenêtre du 3e, et en sortir en sautant du 2e. Seuls ceux qui en ont les moyens financiers ou relationnels savent s’y orienter, au mépris de l’égalité des patients. Votre enfant a mal aux oreilles le dimanche? Vous pouvez aussi bien faire venir un médecin chez vous que vous rendre dans une maison médicale de garde ou aux urgences d’un CHU: mais à quel coût pour les patients et pour la collectivité dans ce dernier cas!
C’est donc un défaut d’organisation des soins de proximité et de l’ensemble de l’offre de soins qui a mené l’hôpital à devoir assumer des missions qui ne sont pas toujours les siennes. Cette désorganisation n’est pas à l’avantage des patients. Elle brouille les messages d’éducation sanitaire, favorise le maquis tarifaire et les dépassements, et produit une conception consumériste de la santé où tout devient urgent au risque de masquer et dégrader la prise en charge de situations graves.
Il faut donc que chacun assume ses responsabilités. Etat, Assurance maladie, élus locaux, représentants des usagers doivent ensemble repenser l’offre de soins à Paris dans le sens d’un système plus cohérent, plus compréhensible, plus soucieux d’une juste répartition des moyens afin que les parisiens sachent comment se soigner au mieux sans distinctions sociales ou culturelles. Formons le vœu que l’affaire de l’Hôtel-Dieu ne se solde pas par un simple changement de casting à la tête de l’AP-HP mais qu’elle permette qu’émerge ce débat et des décisions rapides.