AME : La mauvaise polémique de Claude Goasguen

Une nouvelle fois,  Claude Goasguen, député UMP du 16earrondissement de Paris, s’en prend à l’AME et demande sa suppression dans une interview à Valeurs actuelles.

C’est une demande sanitairement infondée et financièrement contre-productive.

Il est largement établi que les dépenses liées à l’AME sont non seulement utiles pour ceux qui en bénéficient, mais aussi pour la collectivité. Et qu’il n’y a pas de surconsommation des bénéficiaires de l’AME. Mais la réalité des chiffres n’empêche manifestement pas le procès idéologique.

Une des nouvelles postures des détracteurs de l’AME est de réclamer sa limitation aux « actes prophylactiques ». Au moins ont-ils compris l’intérêt de la prévention. Mais savent-ils de quoi ils parlent ?

Car cette prévention, elle s’effectue au cours de consultations « banales ». C’est dans le quotidien des cabinets médicaux et des centres de santé que se prescrivent les dépistages de l’hépatite B, de l’hépatite C et du VIH. Et c’est bien parce que l’AME permet à ses titulaires l’accès aux soignants que ceux-ci peuvent mener à bien les démarches de dépistage.

Claude Goasguen pense-t-il que la prévention s’exerce dans des lieux dédiés auxquels on pourrait réserver l’AME ? Quel déni de réalité ! Quelle méconnaissance du travail quotidien des professionnels de santé !

De la prévention aux soins, c’est un continuum indispensable pour répondre à la maladie de chacun et prévenir la transmission aux autres.

Faudrait-il dépister une personne séropositive et ne pas lui délivrer d’antiviraux ? Faudrait-il diagnostiquer un diabète et refuser l’insuline ? Faudrait-il trouver un calcul aux reins et laisser souffrir ? Bien sur que non. Or ces situations démontrent l’inanité de toute tentative d’isoler la prévention et le dépistage du soin.

Vouloir réserver l’AME aux actes de prévention est donc infondé en termes de santé et de respect du principe d’humanité.

Quant aux données financières, la réalité est que le coût de l’AME ne doit sa visibilité qu’au fait qu’il s’agit d’un budget distinct. Le mythe d’un surcoût est une posture idéologique.

Et il est tout à fait probable que la suppression de l’AME, en réduisant les dépistages précoces, augmenterait les diagnostics à un stade avancé de maladies dont le coût de prise en charge serait bien plus élevé. A moins de considérer que le soin serait alors refusé, ce qu’aucun professionnel de santé ne peut envisager.

S’il est légitime que les responsables politiques posent la question du budget que notre société doit consacrer à la santé de la population, la réponse ne peut pas être fournie au baromètre de l’origine de tel ou telle. Pas plus que la lutte contre des filières organisées de migration sanitaire ne doit remettre en cause le droit de chacun à bénéficier des soins que nécessite son état de santé.

Les coups de boutoir contre l’AME portés par quelques-uns, en mettant en cause notre politique de santé solidaire, visent directement un pacte social qu’ils jugent sans doute obsolète. Ils se trompent de valeurs en ne parlant que finances alors que c’est de santé, de solidarité et d’intérêt collectif dont il s’agit.

Dr Bernard JOMIER, Adjoint à la Maire de Paris, chargé de la Santé, du Handicap et des relations avec l’AP-HP

à lire sur Médiapart

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